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Capital humain de qualité et développement durable en Afrique : L’alphabétisation et l’éducation multilingue, des voies capitales

Franck Sèdjro et Carole Avandé étaient face aux professionnels des médias
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En Afrique de l’ouest, particulièrement au Bénin, avec l’initiation, de nos jours, des enfants, prioritairement au français depuis la cellule familiale, les langues nationales se meurent. Or, selon des spécialistes, des études ont prouvé que les apprenants réfléchissent mieux dans leurs langues maternelles, mais aussi quand ils sont en situation de multilingue, et ce avec des résultats probants. Nécessité donc pour les communautés, les partenaires financiers et les gouvernants de s’investir et d’investir dans la promotion des langues nationales et l’alphabétisation pour un réel développement des nations.

 

L’alphabétisation est d’une importance capitale pour le développement des nations, au point où la communauté internationale à travers l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) y a consacré une journée. En effet, proclamée le 17 novembre 1965, la Journée internationale de l’alphabétisation (Jia) est célébrée officiellement chaque 8 septembre, depuis 1967, dans les États membres à travers le monde. Le thème de l’édition 2024 de la Jia est expressive et interpelle : « Promouvoir l’éducation multilingue : l’alphabétisation pour la compréhension mutuelle et la paix ». Pour Carole Avandé Houndjo, Coordonnatrice régionale du Pamoja, réseau d’éducation holistique tout au long de la vie, actif dans 14 pays en Afrique de l’ouest et spécialisé dans le plaidoyer pour l’amélioration de la qualité de l’éducation dans ces pays, ce thème offre l’occasion de «réfléchir sur la valorisation du multilinguisme pour un développement durable et paisible de nos communautés». De ses explications, l’éducation multilingue n’est pas un concept nouveau. Le multilinguisme, souligne-t-elle, c’est l’utilisation de plusieurs langues dans l’enseignement apprentissage. «Cette forme d’éducation allie donc plusieurs langues , ça peut être des langues nationales plus un certain nombre de langues étrangères», indique la Coordonnatrice régionale du réseau Pamoja, qui poursuit : «Des documents didactiques sont conçus dans ces langues, des enseignants sont formés pour pouvoir les utiliser. Les apprenants apprennent mieux quand ils sont dans des situations multilingues et les résultats sont plus probants parce qu’en apprenant d’abord dans leurs langues maternelles, ensuite dans la langue étrangère, ils arrivent à mieux valoriser leurs compétences ; et ces compétences sont plus durables. C’est ça qui aide certains pays à éviter des problèmes de déperdition, de descolarisation». Et Carole Avandé épouse Houndjo d’ajouter : «Des études ont montré que c’est parce que nous ne faisons pas l’apprentissage dans nos langues que le niveau de compétences des élèves diminue au fur et à mesure…».

Déplorant à son tour la situation, le secrétaire exécutif du Réseau national des opérateurs privés pour la promotion de l’alphabétisation et des langues, Franck Arnauld Sèdjro a laissé entendre : «Nous sommes certes fiers de nos langues, mais est-ce qu’on est toujours fier de faciliter l’apprentissage de la langue à nos enfants ? Nous pensons que c’est quand nos enfants parlent le français avant de se retrouver à l’école, c’est ça qui est la meilleure des choses. C’est faux ! On fabrique en ce moment des enfants retardés, qui réfléchissent dans la langue d’autrui avant de réfléchir dans nos langues». Sur ce point précis, la thérapie ou solution qui vaille pour remonter la pente sera ensuite lâchée par le secrétaire exécutif du Rénopal : «C’est pourquoi, il est vivement recommandé qu’à la maison, les enfants commencent par la langue maternelle>>. L’état des lieux corroboré par Franck Sèdjro, c’est aussi les 57,4% de la population béninoise qui ne sont pas encore alphabétisés. «C’est une préoccupation majeure parce que si nous aspirons au développement et que ce développement soit porté par la population_parce qu’il n’y a pas de développement sans la population_, il faille absolument travailler à lutter contre l’analphabétisme», a indiqué le secrétaire exécutif du Rénopal, un réseau partenaire du Pamoja.

Plaidoyer des acteurs

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À la faveur d’une rencontre avec la presse dans la Commune d’Abomey-Calavi, dans le cadre de l’édition 2024 de la Journée internationale de l’alphabétisation, des acteurs du domaine ont reconnu que l’Etat fait des efforts dans le sous-secteur de l’alphabétisation à travers la Direction de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales (Dapln) . Mais selon eux, il faut aller au-delà de ce qui est fait jusque-là. Pour ce faire, la responsabilité est partagée. C’est pourquoi, il est impérieux que chacune des parties concernées par la question de l’alphabétisation et de la valorisation des langues nationales joue sa partition. «Pour m’arrimer aux valeurs de Pamoja, notre plaidoyer se fait de la base vers le sommet. Donc je dirai que les communautés à la base comprennent que nos langues sont des vecteurs de culture et elles sont riches. On nous a mis dans la tête que nos langues sont mauvaises,, Non, nos langues sont vraiment importantes, et les parents doivent faire l’effort de parler les langues maternelles, les langues nationales aux enfants.. Nous sommes tous concernés. Nous devons tout faire pour que nos enfants puissent perpétuer l’utilisation de nos langues. Malheureusement, aujourd’hui, ce n’est pas le cas. On doit vite réagir afin que nos langues ne meurent pas, parce que quand vous ne parlez pas une langue, elle finit par mourir», a confié la coordonnatrice régionale du Pamoja, Carole Avandé, linguiste de formation. «À l’endroit de la communauté et des parents, je voudrais rappeler que la promotion des langues est d’abord notre affaire. Cela devait même être une question de souveraineté. Les grandes sociétés de la place devraient contribuer financièrement, matériellement ou même techniquement à ce que ce sous-secteur puisse faire les prouesses attendues», a déclaré pour sa part le secrétaire exécutif du Rénopal, Franck Sèdjro.

Aux autorités politiques, la Coordonnatrice du Pamoja a souligné qu’il faut des mesures courageuses. << Nous avons besoin d’une politique linguistique claire pour que nos langues puissent occuper la place qui leur est dédiée afin que nous puissions vraiment avancer dans les différents agendas de développement que nos États ont mis en place. Cest vrai que sur le plan institutionnel, il y a beaucoup d’avancées. Vous verrez dans la loi sur la décentralisation, par exemple, qu’on fait obligation aux mairies de traduire un certain nombre de documents dans les langues nationales ; même des sessions peuvent se tenir dans les langues, des PV dans les langues. Mais on veut aller plus loin>>, a indiqué Carole Avandé. <<J’ai évoqué la nécessité de l’élaboration d’un certain nombre de documents, de matériels, de renouvellement des programmes, de la promotion des Tic en langues nationales. Il faut qu’il y ait les moyens adéquats pour cela. C’est d’abord la volonté politique qui est au centre de tout. S’il y a la volonté politique, je pense que le sous-secteur aura le budget adéquat pour réaliser ces prouesses-là>>, souligne M. Sèdjro dans son adresse aux gouvernants. En effet, faut-il le rappeler, le Bénin, membre de l’Unesco, fait partie des pays ayant signé, en 2000 à Dakar, l’accord-cadre pour l’Éducation pour Tous. Et au titre des engagements pris, chaque pays doit accorder à l’alphabétisation au moins 3% du budget réservé à l’éducation nationale. Le Pamoja et le Rénopal qui font des plaidoyers dans ce sens depuis environ deux décennies, déplorent que jusque-là, pour ce qui est de la cagnotte réservée au sous-secteur de l’alphabétisation, le Bénin n’en soit pas encore à 1% du budget de l’éducation. « On est encore à la traine », fait savoir Franck Sèdjro qui lance un appel pour que ce budget connaisse une hausse. « Donc nous encourageons nos États à vraiment respecter leur engagement », a exhorté Carole Avandé. «Aux Partenaires techniques et financiers, je voudrais les encourager, pour ceux qui font beaucoup comme la Suisse, à persévérer, et que d’autres se joignent à nous pour que le combat puisse continuer », conclut la Coordonnatrice régionale du Pamoja.

Quid du projet d’introduction des langues nationales dans les programmes scolaires…

« Pour l’instant, c’est suspendu. J’espère vivement que cela soit relancé parce que ça va participer à ce que nos langues ne soient pas mises sous boisseau mais qu’elles soient mises au concert des nations et de l’évolution du monde. Cest à ce prix que nous aurons un développement durable », répond le secrétaire exécutif du Rénopal Franck Sèdjro sur la problématique.

Jacques BOCO

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