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Huit (08) ans de gouvernance du président Patrice Talon. Ce sujet était au cœur de l’entretien exclusif du Professeur Théodore Holo avec Africa Dev News. Voici les appréciations de l’Universitaire, ancien ministre et ancien président de la Cour constitutionnelle du Bénin.
Africa Dev News : Il y a eu récemment une tournée de reddition de compte sur les réalisations du Programme d’action du gouvernement au profit des populations. Vous êtes citoyen béninois, huit ans déjà que le pouvoir de la Rupture s’est installé avec à sa tête le président Patrice Talon. Quelle appréciation globale faites-vous de la gouvernance ?
Professeur Théodore Holo : En tant que citoyen, il y a une réflexion que j’ai toujours menée. Notre Constitution a prévu un régime démocratique pour aller dans le sens du développement. Le développement, à mon avis, c’est garantir la prospérité collective pour le mieux-être de chaque citoyen et le respect des libertés fondamentales. Donc, il y a deux aspects : le mieux-être : conditions de vie, conditions d’existence, condition de travail, infrastructures. Du point de vue des infrastructures, il y a des choses positives. Il y a aussi les libertés fondamentales. Je pense que du point de vue des libertés fondamentales, il y a un recul par rapport à ce que nous avons souhaité en 1990. Et ces observations permettent aussi aux gouvernants de dire il y a des aspects positifs dans notre action et il y a des aspects négatifs que nous devons améliorer pour bénéficier de la confiance de nos électeurs. N’oubliez pas que le président Talon a dit qu’il souhaite, à la fin de son mandat, qu’il soit porté en triomphe. Il a encore 01 an et demi. Or, le point sombre de la dimension développement de son action, au-delà des infrastructures et de l’amélioration du cadre de vie, c’est les libertés fondamentales. Il faut qu’un meilleur travail se fasse à ce niveau pour que le résultat soit positif sur les deux aspects afin qu’il puisse bénéficier de ce triomphe qu’il a souhaité à la fin de son mandat.
Vous parlez des libertés fondamentales mais du côté du pouvoir on pourrait vous répliquer que par rapport à ces libertés restreintes, il n’y a plus de morts dans les hôpitaux du fait des grèves sauvages, et puis dans les écoles l’année va normalement à son terme avec à la clé des résultats positifs.
Le président Talon a dit à une réunion à l’Union européenne qu’il n’y a plus de grève au Bénin ou qu’il y aura au plus dix jours de grève. Est-ce que les investisseurs ont accouru ? Parce qu’ils savent que ça fait partie des droits fondamentaux dans leurs propres pays. Ce qu’on fait généralement, on encadre le droit de grève parce que c’est une question de rapport de forces. Il faut que le travailleur, pour qu’il ne soit pas exploité, ait les moyens de faire pression sur l’employeur. Quand il y a grève ou quand il y a menace de grève, il y a un préavis. On pose les problèmes relatifs aux conditions de travail ; on négocie, on trouve un compromis. Si on ne trouve pas de compromis, on peut aller en grève. Mais lorsqu’on va en grève, il y a aussi des mécanismes. Il y a ce qu’on appelle le service minimum. Par exemple, le service dans les hôpitaux, le transport en commun, la fourniture d’énergie, on ne peut pas dire qu’il y aura délestage toute la journée. On peut avoir une heure de délestage qui constitue des moyens de pression. Donc, il y a un encadrement mais il n’y a pas suppression. Quand j’étais à la Cour constitutionnelle, d’abord du temps de Madame Ouinsou le président Kérékou était encore à la tête de l’Etat ; on a supprimé le droit de grève aux militaires. La Cour a été saisie. C’est Pancras Brathier ancien Directeur de la Gendarmerie nationale, ancien ministre de l’Intérieur, Rapporteur de la Cour, qui a dit que la Constitution interdit de supprimer le droit de grève aux militaires. Ils doivent exercer ce droit de grève sans remettre en cause leur obligation d’assurer la sécurité du pays. S’ils sont en grève que le pays est attaqué, ils sont obligés d’intervenir. Du temps du président Yayi Boni, on a supprimé le droit de grève aux douaniers. La Cour a entériné parce que nous n’avons pas fait attention suffisamment à notre Constitution, peut-être, en voyant ce qui se fait dans les autres pays. Mais des gens comme Lazare Sèhouéto, Louis Vlavonou et autres nous ont critiqués, et avec raison. Quand je suis arrivé, Robert Dossou n’était pas là quand on a pris la décision. On a posé le même problème, je me suis dit notre jurisprudence est constante ; on ne peut pas supprimer le droit de grève, on peut l’encadrer. Quand le président l’a encadré pour dire c’est deux jours de grève, est-ce que la Cour a dit que c’est contraire à la Constitution ? Même si l’encadrement tel que c’est, peut poser problème, mais il est dans ses droits. Vous verrez qu’en Europe, il n’y a pas d’interdiction de droit de grève. Il y a un service minimum, il y a un préavis. Et parce qu’on sait qu’il y a une menace, chacun fait un compromis ; ce qu’on peut faire aussi. On met tout sur la table, chacun comprend la réalité, on en trouve un compromis parce que même quand il y a grève, les grévistes aussi en pâtissent. Donc ils n’ont pas intérêt à ce que la grève dure trop longtemps. La grève permet aussi le contact, la discussion, la négociation.
Mais est-ce qu’il n’y a pas aussi des grèves politiques ? N’est-ce pas peut-être cela qu’on veut éviter ici ?
Qu’est-ce qui a amené les grèves politiques ici ? Aucune grève ne doit être politique parce que la grève c’est pour défendre les intérêts du travail par rapport aux conditions de travail. Si des syndicalistes se sont laissés manipulés, ils doivent se mordre le doigt aujourd’hui parce que s’ils veulent faire la politique, ils vont faire la politique.