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Entretien exclusif avec le Dgi, Nicolas Yènoussi: « 2025 ne connaîtra ni de nouveaux impôts, ni l’augmentation des taux existants »

Pour le Dg des impôts, Nicolas Yènoussi, pas de nouveaux impôts en 2025
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Après le vote du budget de l’État, gestion 2025, intervenu à l’Assemblée nationale du Bénin, Africa Dev. News a voulu en savoir sur les motivations du gouvernement quant à son option de ne ni créer de nouveaux impôts, ni augmenter les taux des impôts existants pour la nouvelle année. Cette décision s’étend-elle aux collectivités locales ? Une façon de laisser respirer un peu la population qui se sent harcelée fiscalement? Que devient la Tvm, il y a comme un relâchement puisqu’on ne constate plus de remous dans l’opinion. Ce sont-là, entre autres préoccupations auxquelles le Directeur général des impôts (Dgi), Nicolas Yènoussi a répondu dans cet entretien exclusif à suivre en deux temps (publications).

ADN: Monsieur le Directeur général, c’est une tradition ; courant décembre chaque année à l’Assemblée nationale on vote le budget général de l’État et la loi des finances de l’année à entamer. Clarification conceptuelle oblige, que comprendre par budget de l’État, ensuite loi de finances ?

Nicolas Yènoussi : Le budget de l’Etat, c’est le document de prévision des recettes et des dépenses. Exactement comme une entreprise ordinaire le ferait en prévoyant pour l’année nouvelle, les recettes ou les moyens et les emplois ; c’est-à-dire la façon dont les ressources/les moyens mobilisés pourraient être utilisés. En général, le budget va être élaboré par les services techniques du ministère de l’Economie et des finances, à savoir la direction générale du budget. La direction générale de l’économie va faire les prévisions budgétaires, va faire les études et les analyses sur la base de la croissance économique en tenant compte de la conjoncture et d’un certain nombre de facteurs. Il y aura les directions mobilisatrices de ressources financières qui vont également intervenir, à savoir : la direction générale des impôts, la direction générale des douanes, la direction générale du trésor et de la comptabilité publique, et également l’agence nationale du domaine et du foncier. Pour la mobilisation des ressources ou financements extérieurs, il y aura la caisse autonome de la gestion de la dette. Et tout cela participe à l’équilibre du budget puisque le budget, selon la technique, doit pouvoir être voté de sorte que les recettes ou les ressources soient égales aux dépenses. Ainsi, lorsqu’au niveau des ressources on a les recettes fiscales et douanières, on a les recettes non fiscales, on a les dons, on aura également les emprunts et d’autres financements qui vont pouvoir permettre d’équilibrer le budget qui doit nécessairement être voté en équilibre. Donc, après l’étape de préparation qui comprend une longue procédure d’arbitrage par les directions techniques, le ministre de l’Economie et des finances…, il y aura sa transmission en conseil des ministres. A ce niveau, interviennent aussi des arbitrages d’un certain nombre de ministres, du chef de l’Etat. Ce n’est qu’après cela que dans la première quinzaine du mois d’octobre, la Constitution l’exige ainsi, le gouvernement a l’obligation de transmettre le projet du budget au Parlement. Au niveau du Parlement, il y aura les travaux en commissions avec les différentes rencontres et séances de travail avec les acteurs techniques ou politiques pour qu’enfin, après les travaux de la commission, on puisse programmer le vote du budget en plénière. Le vote de ce budget sera matérialisé par un document final appelé loi de finances. Et lorsque la loi de finances est exécutée, à la fin, on aura une loi de règlement qui va consacrer l’exécution du budget. Mais en cours d’année, il peut y voir, au regard de la conjoncture, une loi de finances rectificative qui revient modifier les aspects initiaux du budget. Globalement, voilà ce qu’on entend par budget de l’Etat. Et le budget de l’Etat, il y a ce qu’on appelle au plan technique les budgets annexes. C’est un ensemble de documents, il y a par exemple en dehors du budget même, d’autres documents qui doivent permettre aux députés de comprendre la politique budgétaire de l’Etat.

Du projet du budget au vote du budget 2025, il y a eu des débats et des amendements apportés au document. Dites-nous ce qu’on peut retenir du budget de l’État exercice 2025 quant aux impôts à payer. Y- a-t-il de nouveaux impôts ? Les impôts existants ont-ils été revus à la hausse ?

Le budget tel que transmis au Parlement n’est pas sorti strictement de la même façon, puisque la loi permet dans le respect de la législation aux députés de faire des amendements. Après les amendements des députés, dont certains ont été pris en compte, l’ossature du budget est restée la même à savoir la vision du gouvernement par rapport au budget : consacrer une bonne partie, plus de la moitié, aux dépenses sociales et ensuite ne pas créer de nouveaux impôts ni augmenter les taux existants. Après le vote du budget, on peut confirmer que 2025 ne connaîtra ni de nouveaux impôts, ni l’augmentation des taux existants.

Y compris à la base, au niveau des collectivités locales ?

Au niveau des collectivités locales, je puis dire qu’il y a deux types de prélèvement. Il y a des impôts qui sont collectées par la direction générale des impôts et la direction générale du trésor pour le compte des communes. Ces impôts sont prévus par la loi ; et il y a la loi sur le régime financier des communes qui a également prévu un certain nombre de prélèvements directement retenus ou mobilisés par les communes. Toutes ces lois n’ont pas connu de modification. En dehors de cela, il y a les droits marchands ou les taxes marchandes que les communes collectent. Par exemple, les droits sur les gares routières, les droits des places les marchés… ; tout cela est règlementé par la loi et cela n’a pas connu de changement. J’affirme de ce côté-là également, qu’au niveau des collectivités locales, on assistera à la mise en œuvre de la parafiscalité qui existait en 2024. Il n’y aura donc pas du tout de changement.

Doit-on comprendre que c’est à cause de la bonne santé des finances publiques que le gouvernement n’a pas jugé utile cette année de créer de nouveaux impôts ou de revoir l’existant à la hausse ? Nous avons pourtant un budget 2025 qui a connu un accroissement de 11%. Comment mobiliser cela quand on sait que nous sommes dans un pays à ressources essentiellement fiscal ?
 

Ce n’est pas si compliqué. Nous avons performé jusque-là en augmentant certains impôts, en corrigeant l’assiette de certains impôts. Cette année on a décidé de ne pas le faire. C’est la vision du gouvernement. Ce que nous faisons pour accroître les recettes en dehors de toute augmentation, ça va être de renforcer la mobilisation par le système qui existait. Cela passe par deux choses. La première, c’est de renforcer la digitalisation des procédures, on l’étend un peu partout. On a commencé en 2024 avec les petits contribuables puisque les entreprises paient désormais en ligne, mais les personnes physiques ne paient pas totalement en ligne et c’est ce que nous sommes en train de faire. Donc en 2024, on a commencé par payer les impôts sur le foncier sur Cotonou. On va pouvoir, en 2025, l’étendre sur Calavi, sur Porto-Novo, Parakou, etc. En faisant cela, on va davantage mobiliser des recettes. Deuxième point, ça va être l’élargissement de l’assiette fiscale. Comme on l’a déjà dit, le nombre de contributeurs est faible alors que le potentiel est encore important. Il y a beaucoup de personnes encore qui échappent au paiement de l’impôt ou qui ont décidé de ne pas payer les impôts. Il faut leur faire comprendre qu’elles ont l’obligation, le devoir de payer. Et si elles ne viennent pas vers nous, nous, nous irons vers eux. Pour aller vers eux, on va toujours utiliser les nouvelles technologies. Comme je l’avais déjà dit dans une autre émission, nous allons utiliser les différentes bases de données que nous avons. On va utiliser les données de la consommation d’électricité, les données de la Soneb. Il y a la société des déchets [Sgds, Ndlr] qui est également active sur le terrain. Nous allons travailler avec toutes ces personnes. Moi, je suis certain que le résultat sera atteint. Ensuite, nous allons également jouer sur la sensibilisation, la communication pour convaincre les gens. On n’a donc pas d’inquiétude à se faire par rapport à cela.

Les impôts existants n’ont pas connu d’augmentation, il n’y a pas eu d’impôts nouveaux pour 2025. Certains disent que le gouvernement a fait enfin l’option de laisser respirer un peu la population qui se sentait tenue par la gorge fiscalement. Votre réaction.
 
On va rectifier en disant que ce n’est pas vrai que les populations sont harcelées par les impôts. Je vous donne un exemple : le taux de la Tva depuis qu’elle a été instituée est de 18%. Cela n’a pas changé. Mais si vous voyez nos chiffres de 2016 à aujourd’hui, les recettes de la Tva n’ont fait qu’augmenter. Mais pourquoi alors que le taux n’a pas changé ? C’est parce que le nombre de contributeurs maintenant a augmenté et son champ s’est élargi. Cela est dû à la facturation électronique. Il y a beaucoup d’activités qui passaient en marge de la Tva, ou pour lesquelles des personnes collectaient la Tva et ne la reversaient pas. Donc la facture électronique a été un instrument de sécurisation des recettes de la Tva. La rigueur que nous avons mise en œuvre dans la gestion de cette réforme de la facture normalisée a fait que ceux qui collectaient la Tva et ne la reversaient pas, étaient contraints de la reverser et ont senti qu’on leur retire quelque chose dont ils profitaient hier. C’est un peu cela. Et les gens ont mal vécu cela. Je comprends cela parce que c’est difficile. Si vous collectez et vous ne reversez pas, en gardant cela par devers vous, maintenant dès que vous éditez la facture ça retrace ce que vous devez payer et vous êtes contraint de payer. Ça peut déséquilibrer votre budget. Je connais plusieurs personnes qui m’ont dit qu’ils ne payaient pas régulièrement la Tva, mais aujourd’hui qu’on les a ‘’coincés’’, mis sur le droit chemin, ils sont obligés de payer. Tout cela participe à ce que vous dites : cela donne l’impression qu’il y a eu de nouvelles choses et qu’on a asphyxié la population. Pas du tout. Au contraire, jusque-là le gouvernement a fait l’effort de réduire le nombre d’impôts, de fusionner certains impôts et d’assainir également le système fiscal, la façon dont il faut payer. Vous allez voir dans nos services, les moyens qui étaient généralisés, c’était le paiement en espèces, le paiement par chèque. Nous sommes en train de supprimer le paiement en espèces. Là où il reste des paiements en espèces, c’est au niveau du paiement des impôts fonciers dans les petits services. Et nous y arriverons. Quand vous voyez nos recettes, on a plus de 89% des recettes qui sont payées directement en ligne, qui ne passent pas par les mains d’individus. Les chèques également, nous sommes en train de travailler pour que les paiements par chèque soient totalement réduits. A la direction des grandes entreprises et au niveau des moyennes entreprises, pour payer par chèque, il faut une autorisation. Vous payez directement, de banque à banque. La banque vire directement au niveau du Trésor et il y a la traçabilité, on peut auditer tout ça. Mais, déposer un chèque même s’il est certifié, et on va prendre un temps pour aller faire la compensation, il peut y avoir des incidents de paiement et autres. On est en train de supprimer. Le chèque, c’est une autorisation. Maintenant pour les fonciers, on admet encore les paiements en espèces. Là encore, nous allons sortir un communiqué bientôt, nous fondant sur la règlementation de la Bceao en limitant les paiements en espèces à 100.000 FCfa. La mesure existait, et d’ailleurs je profite pour en parler. Dans la loi de finances exercice 2025, lorsque les entreprises font des paiements de montants supérieurs à cent mille Francs (100.000 F) en espèces, il y a une amende de 5% que les entreprises paient depuis longtemps. Cette année nous avons réduit cette amende à 1% pour que la règle soit bien appliquée. Jusque-là la règle n’est pas appliquée et on fait un contrôle a posteriori en mettant la charge au niveau des entreprises. On a réduit le taux à 1% pour que tout le monde puisse bien l’appliquer, les entreprises également. On estime qu’en baissant le taux, on aura plus de facilité à bien l’appliquer. Donc on va combattre le paiement en espèces. Une fois encore, je dirai que la plainte des populations est due à la morosité économique qui existe et cela n’est pas l’apanage du Bénin ; c’est une crise mondiale que nous connaissons et qui est due aux tensions qui existent au Moyen-Orient, les différentes guerres qui sont alimentées. On espère que tout cela va pouvoir prendre fin. À côté de nous, nous avons le Nigéria, notre grand voisin qui connaît également d’énormes difficultés économiques. Vous n’êtes pas sans savoir que le Naira est totalement dévalué. Avec la situation du Nigéria, il est très aisé pour nos populations d’aller acheter avec peu de Cfa des biens de grande valeur pour revenir au Bénin. Et cela agit négativement sur notre économie.

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Donc à vous résumer, sous le président Talon, les populations ne sont pas pressurées en matière de fiscalité. Cela est plutôt due aux réformes opérées pour ramener les choses à la normale et à la situation des guerres à l’international…

Exactement. Au niveau de la situation à l’international, vous auriez constaté que la location de containers, le fret, tout cela a pris de la valeur. Ce n’est pas dû au Bénin. Mais nous, nous appliquons normalement les droits qui existaient en la matière. La Tva n’a pas changé. Au contraire, le gouvernement a fait l’effort d’accorder des exonérations pour que les entreprises puissent investir. Mais la crise est là, têtue, et c’est durement ressenti. Je vous assure que si nous appliquons rigoureusement le système de la facturation électronique normalisée et toutes les entreprises délivrent normalement les factures, et que nous appliquons tous les textes, nous allons mobiliser davantage de recettes, et d’ici quelques années nous allons demander que le taux de la Tva soit revu à la baisse. Je vous assure.

Il est vrai, vous n’êtes pas politique, vous êtes un technicien. Mais que répondez-vous à ceux qui soutiennent que le gouvernement, en faisant l’option de ne pas créer de nouveaux impôts et de ne pas revoir l’existant à la hausse, est dans les calculs politiques ; 2026, année des élections n’étant plus loin.

Si on doit créer des impôt, la répercussion, ce sera sur la population. Le gouvernement a pris les cinq premières années pour réorganiser les choses, là où on doit corriger les impôts, élargir l’assiette…, on a tout fait. Maintenant, les réformes sont en train de porter leurs fruits ; on a commencé par avoir les retombées. Donc on doit pouvoir s’arrêter et récolter nous tous. Ça n’a rien de politique. Evidemment, on ne peut pas tout le temps dire qu’il faut revoir les impôts, créer d’autres impôts. Ça va même perturber le fonctionnement des entreprises. Les entrepreneurs n’auront plus de prévisibilité pour organiser leurs activités. Chaque année ils vont se demander si le taux d’impôts ne va pas changer, et quoi faire ? « J’attends qu’on vote la loi avant de passer mes commandes ». Non, il faut qu’on stabilise le système. Et on l’avait déjà annoncé. Ce n’est pas à la veille des élections qu’on l’a fait. Quand on a fait la refonte du Code général des impôts en 2022, si vous suivez mes interventions sur des émissions, j’avais dit qu’à partir du Code de 2022, nous stabilisons le système fiscal. C’est pour ne pas avoir à modifier les taux des impôts ou revoir les choses chaque année que nous avons eu à faire la refonte de 2022. Et à partir de 2022 c’est l’ossature, c’est le socle de notre fiscalité et puis on va avancer.

Le paiement d’impôts, c’est à partir du 1er janvier ou bien il y a un délai spécifiquement dédié pour se mettre à jour ?

Le budget de l’État est voté pour une année civile, du 1er janvier au 31 décembre. Lorsque le budget est voté, on commence l’exécution à partir du 1er janvier. Donc à partir du 1er janvier prochain, le budget 2025 va pouvoir commencer par être exécuté. Et on peut féliciter les dirigeants de notre pays pour avoir pris toutes dispositions en la matière afin que le budget soit voté à bonne date. Cette année, ça a été voté le 5 décembre. C’est à l’actif non seulement du gouvernement , mais également à l’actif de l’ensemble des députés qui ont travaillé d’arrache-pied pour doter le gouvernement de cet important outil.

Propos recueillis par Africa Dev. News (ADN)

NB : À suivre la deuxième et dernière partie de l’entretien dans notre prochaine publication

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