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Le projet du gouvernement de Patrice Talon de délocaliser «Dantokpa», le plus grand marché du Bénin, en répartissant les marchand.e.s dans des marchés secondaires modernes nouvellement construits à Cotonou et Abomey-Calavi, fait couler beaucoup d’encre et de salive. Pour ou contre, les réactions fusent des rangs des acteurs politiques, des gardiens des valeurs endogènes et de simples citoyens. Dans un entretien exclusif avec votre média « Africa Dev News », le Professeur Théodore Holo a donné son avis sur la question. Voici la position de l’ancien président de la Cour constitutionnelle.
Africa Dev News : Est-ce qu’il faut dégager le marché «Dantokpa» de là ?
Professeur Théodore Holo : Je n’ai pas d’opinion arrêtée là-dessus. Vous savez pourquoi ? Je suis allé à l’université en 1968, et puisque Dakar était fermée, je suis allé à Brazzaville. En 1971, je suis allé en France. Quand je suis allé en France, il y avait une grande structure marchande «les halles», qui est un arrêt de métro aujourd’hui, transformé en un grand centre. Le marché «les halles» de Paris a été transféré, quand j’étais encore étudiant en France, vers la zone aéroportuaire, à Orly. Donc voilà un grand marché qui était très célèbre, qui a été déplacé au marché international de Rungis à Chevilly-Larue dans le Val de Marne, devenu très célèbre aussi ; plus grand que «les halles». Il est vrai, quand on a déplacé «les halles», on a retrouvé les mêmes structures et en plus grand dans le nouveau marché qui a été créé. Or, j’ai cru comprendre que ‘’Dantokpa’’ est morcelé. En ce qui concerne les bijouteries, les maroquineries, ce sera vers le stade Mathieu Kérékou… Mais on oublie que «Dantokpa» est un marché international, l’un des plus importants de l’Afrique de l’ouest. Les gens viennent du Cameroun, du Mali, du Togo, du Sénégal, du Nigéria. Ils ont un seul point de chute, ils ne vont pas s’éparpiller. Et, ‘’Dantokpa’’ est à côté d’une lagune où on peut venir avec des marchandises et autres. Est-ce qu’on n’aurait pas pu dégager par exemple les aliments pour désencombrer «Dantokpa» pour garder là les structures qui attirent les étrangers surtout les tissus pour éviter cet encombrement qui ne permet pas de circuler ? C’est une question que je pose. Déplacer un marché, ce sont des choses qui arrivent. Mais «Dantokpa» a une histoire, il y a aussi le fait que c’est un marché international. Si on veut déplacer «Dantokpa» et qu’on construit une autre structure, il faut que la structure conserve les différents produits qui attirent la clientèle internationale pour que ceux qui viennent de l’étranger sachent qu’à tel endroit j’ai tout ce dont j’ai besoin ; et non dire j’ai besoin de tissus, il faut que j’aille à tel endroit ; j’ai besoin de bijou, il faut que j’aille à tel autre endroit. C’est ma préoccupation par rapport au débat. Mais je n’ai pas d’état d’âme par rapport à des déplacements de marché.
Et que dites-vous de l’aspect culturel ou cultuel ? Le marché «Dantokpa» serait lié au fétiche «Dan» qui est juste à côté.
Avant la construction du marché, «Dan» n’existait pas ? Avant, le marché était du côté du Lycée technique (Coulibaly) ; «Dan» existait, n’est-ce pas ? «Dan» continuera à exister. Ce n’est pas «Dan» qui a été déplacé, c’est l’essentiel.
Propos recueillis par Jacques BOCO